
Ces dernières années, le pôle de gestion de l’information de CartONG a continuellement grandi et étendu progressivement son champ d’activité, notamment en accompagnant de plus en plus fréquemment des consortiums dans leur gestion de l’information. Souvent appelé à la rescousse, plusieurs mois après le lancement des dits-consortiums pour faciliter la gestion de l’information en leur sein, CartONG a eu l’opportunité cet automne – situation assez exceptionnelle – d’intervenir en amont du lancement d’un consortium à la demande de son partenaire l’ONG opérationnelle Solidarités International. CartONG a ainsi été déployé en octobre 2018 pour réaliser une évaluation préparatoire des besoins en gestion de l’information au sein d’un futur consortium dont Solidarités International allait assurer la coordination.
A la demande du partenaire et compte tenu du contexte d'opération, le nom et la localisation exacte du projet ne sont pas cités.
Le contexte : de multiples défis à relever pour une bonne gestion des données au sein d’un consortium
La mise en œuvre de projets via des consortiums de partenaires est de plus en plus répandue dans le secteur de l’aide. Cette modalité de mise en œuvre soulève cependant des questions très importantes en termes de gestion des données qui sont souvent éludées lors de la conception et initialisation d’un consortium.
Les données de tous les partenaires doivent-elles être centralisées ? Si oui, comment ? Comment faire cohabiter différentes approches (voire idéologies) et niveaux techniques de partenaires au sein d’un même consortium ? Comment s’assurer que la structure mise en place puisse répondre aux besoins de chaque membre et secteur d’activité du consortium tout en restant « agile » ?Si les membres travaillent avec les mêmes communautés bénéficiaires, comment les données individuelles peuvent-elles être synchronisées et croisées ? Comment éviter un double comptage de bénéficiaires entre partenaires ? Comment respecter les principes de protection des données quand plusieurs dizaines de personnes d’organisations différentes doivent pouvoir accéder aux mêmes données ? Comment faire pour que l’argument de la nécessaire protection des données ne soit pas utilisé comme excuse pour refuser le partage de données entre partenaires ? Quels accords de partage des données doivent être signés entre partenaires ? Les outils de collecte doivent-ils être harmonisés entre organisations ? Un outil de centralisation des données doit-il être déployé ? Comment les rôles et responsabilités doivent-ils être répartis entre membres et structure de coordination (et notamment qui est en charge de contrôler la qualité et la traçabilité des données) ?
Il faut néanmoins bien avouer, à l’heure actuelle et d’une manière générale, qu’il est encore difficile de répondre de manière adaptée à ces questions : les pratiques et, bien plus encore, les retours d’expérience des consortiums en matière de gestion de l’information demeurent balbutiants. Par ailleurs, les outils existants présentent pour la plupart des difficultés d’interopérabilité et les plateformes de centralisation des données à l’échelle individuelle ou à celle des ménages sont quasi inexistantes.
Une mission préparatoire pour soutenir le travail de coordination de Solidarités International
Afin d’anticiper au maximum les difficultés qui pourraient advenir, et tenter de répondre à ces questions, Solidarités International a donc décidé de réaliser, avant son lancement, une analyse rapide des besoins en gestion de l’information d’un consortium dont l’ONG allait assumer la coordination. Un spécialiste en gestion de l’information de CartONG a été ainsi envoyé pendant une dizaine de jours à Amman (Jordanie) pour échanger avec les quatre partenaires internationaux du consortium. Visant à fournir une réponse multisectorielle en Eau-Hygiène-Assainissement (EHA), Santé, Abris et Protection pour non moins de 400 000 bénéficiaires, le consortium s’est créé autour d’organisations aux pratiques et cultures de gestion de l’information très différentes.
Pour cette analyse rapide des besoins en gestion de l’information, CartONG a donc interviewé les acteurs clés pour évaluer leurs attentes, craintes et difficultés, a effectué une revue des politiques, procédures et outils utilisés par chaque partenaire, et enfin, a réalisé un examen des documents projets afin d’identifier les besoins par activité et les contraintes liée aux modalités de financement. Le résultat de ce travail d’évaluation des besoins et pratiques, est un rapport - confidentiel - de situation et une liste de recommandations et de priorités que CartONG a remis à Solidarités International suite à la mission.
Suite de mission : des enseignements partagés pendant le forum GeOnG 2018
Suite à cette mission d’une dizaine de jours et malgré la confidentialité de certains éléments du rapport de situation, Solidarités International a tenu à partager les grandes leçons tirées de l’analyse des besoins réalisée par CartONG lors de la table-ronde « Les stratégies de gestion de l'information au sein des consortiums : écueils & succès » organisée pendant le forum GeOnG 2018 et qui réunissait les représentants de trois consortiums ou méta-consortium actuellement en cours.
Deux principales stratégies de gestion d’information sont généralement employées dans un consortium : l’approche « réactive » basée sur des rôles et responsabilités décentralisés vs. l’approche « préventive » basée sur une approche centralisée :
Approche centralisée & simple = Préventive |
Approche décentralisée & spécifique = Réactive |
Tous les partenaires suivent une approche intégrée de gestion de l'information :
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Tous les partenaires ont des approches distinctes en matière de gestion de l'information (soit pré-existantes ou nouvellement développées) :
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Rôle du consortium : créer des normes auxquelles les partenaires adhèrent. La collecte et la gestion des données sont harmonisées entre les partenaires | Rôle du consortium : compilation de données. Les équipes de gestion de l'information travaillent en étroite collaboration avec les spécialistes sectoriels |
Les enseignements tirés par Solidarités International de l’analyse des besoins préparatoire réalisée par CartONG se concentre sur quatre point clés :
Au-delà du cas de Solidarités International, quelques leçons apprises sur la gestion de l’information au sein des consortiums
Sur la base des expériences passées de CartONG (appui sur des consortiums en Syrie, Irak et République centrafricaine), les recommandations suivantes peuvent être formulées. Il est naturellement et avant tout important que l’investissement en gestion de l’information - c’est-à-dire le financement d’une équipe spécialisée et dédiée et de solutions techniques - soit proportionnel non seulement aux enjeux du consortium mais également à sa durée. Il est, par exemple, non-efficient pour un projet ponctuel d’une année en consortium, de vouloir déployer une solution de centralisation des données au niveau individuel. Contrairement aux présupposés, les enjeux de structuration des consortiums ne concernent pas forcément et uniquement la couche « supérieure » de la gestion de l’information (analyse et centralisation), mais également la couche initiale de « collecte de données », qui prédétermine les échelles supérieures et pourrait en absence de standardisation ou du moins d’harmonisation être un frein majeur à toute volonté ultérieure de partage et de synchronisation des données.
Comme dans tous projets technologiques, la clé du succès ne réside non plus pas forcément (et dans tous les cas pas seulement) dans le choix des outils mais : i) avant tout dans l’anticipation du sujet via une analyse fine des besoins en gestion de l’information du consortium et des pratiques/contraintes/lignes rouges existantes parmi ses membres ; ii) dans la qualité et pertinence des processus et modalités (notamment juridiques) de partage des données qui devront être précisés autant que possible ; et iii) dans la clarification des rôles et responsabilités entre chaque partenaire et postes et l’harmonisation des protocoles. Enfin, il faut garder en tête que les consortiums demeurent également des opportunités pour faire évoluer les pratiques en gestion de l’information de ses différents membres, en les confrontant aux pratiques d’homologues et en investissant sur ces dernières.
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